Au Morne Rouge, Tugdual HERVE, installé récemment comme agriculteur (2021) s’est lancé un défi: restaurer l’écosystème abîmé d’une parcelle de 7000m2. ). Le biotope est humide avec une pluviométrie importante et un fort couvert nuageux. Cette parcelle cultivée historiquement en bananes a un sol pollué au chlordécone et épuisé par l’agriculture intensive.
L’objectif est d’y établir une plantation productive, saine et diversifiée en mettant en œuvre les principes de l’agriculture syntropique ou successionnelle.
La pollution au chlordécone amène à privilégier les fruitiers et les cultures aériennes plutôt que le maraîchage.
L’agriculture syntropique en Martinique
L’agriculture syntropique diffère des autres types d’agroforesterie plus classiques. Elle vise à profiter de la dynamique d’un écosystème dense et diversifié depuis la prairie jusqu’au stade forestier en restaurant les sols, les écosystèmes et ainsi la fertilité et l’abondance. Cette méthode exclut tout travail du sol et tout type d’intrant en ne s’appuyant que sur les processus naturels.
D’une parcelle de banane abandonnée, dont une partie en restauration débuté par l’earl syntropique, une autre en prairie, et une dernière en reforestation spontanée, on va retrouver peu à peu un couvert forestier productif en s’appuyant sur les processus naturels avec des associations de fruitiers et de plantes à biomasse qui sont là pour être taillées.
L’agriculture syntropique est caractérisée par une grande densité de plantation au départ et une grande diversité des espèces pour recréer la complexité de l’état naturel.
Ce type d’agriculture novatrice s’inspire des travaux de Ernst Götsch, un chercheur suisse qui, en 1984, part au Brésil, pour reprendre une exploitation dont les sols sont improductifs. Durant 30 ans il expérimente des techniques s’inspirant des principes de fonctionnement de la nature et notamment des forêts. Hervé Damico a partagé en Martinique ces enseignements via Les Jardins de Gaïac ou Tugdual Hervé a séjourné et partagé ces pratiques respectueuses de l’environnement.
Des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement
Le projet démarre en 2021 avec pour objectif de mettre en place sur cette parcelle épuisée par la culture intensive de bananes et chlordéconée, une agriculture dite syntropique visant à restaurer le milieu et le rendre à nouveau productif.
La matière organique issue de la taille des arbres est laissée au sol et permet d’apporter la matière organique, par exemple Inga Ingoides (pois doux) va restituer de l’azote comme toute légumineuse.
Les arbres sont plantés en lignes denses et diversifiées alternant arbres a biomasse et arbres fruitiers entre les lignes formés par la monoculture de bananes et les fossés creusés pour drainer l’excès d’eau
Un projet ambitieux: plus de 2000 arbres!
En tout, entre 2022 et 2024, ce sont 2 800 arbres qui ont été livrés sur le site grâce au programme Peyi vert qui met en relation les porteurs de projets avec des entreprises mécènes locales (ici, les rhums JM). Les plantations se poursuivent encore aujourd’hui et seront arrivées à leur terme courant 2025. Parmi les espèces concernées, il y a cacao, bois canon, roucou, bois côtelette, bois blanc, Mombin, zamana, jacquiers, bois d’inde, bois savonnette, amandier. Des espèces adaptées au site qui présente une forte pluviométrie et au projet d’agroforesterie.
En plus de ces arbres, d’autres espèces spontanée sont favorisées ou replantées comme notamment le poix doux et le bois rivière, mais également des arbustes comme le tithonia diversifolia, le chaya, le choux kanak ainsi que différentes variétés de banane, figue pomme, makandja, kankanbou, banane rouge, mahault. Toutes participent à la dynamique de croissance du système en captant l’énergie solaire et en fournissant la biomasse nécessaire à la restauration de la fertilité naturelle.
D’un point de vue productif, la pollution au chlordécone interdisant la plupart des cultures maraîchères, le projet vise à établir une plantation de cacao, banane, piments doux, ananas ainsi que des cultures aériennes sur les arbres: vanille, maracuja, christophine, igname aérien…
L’objectif étant de recréer un véritable écosystème, autonome, auto fertile, qui tend à limiter l’intervention humaine à la gestion du système par la plantation et la taille pour une production, une résilience et une qualité accrues. La récolte de cacao a déjà démarré.
Visuellement, le résultat est un enchevêtrement de strates herbacées, arbustives, arborées avec une grande diversité de production, dans un site qui ressemble davantage à une forêt qu’à l’idée que l’on se fait d’une exploitation agricole classique. Il reste encore beaucoup à faire à Tugdual qui a appris à associer certaines espèces pour améliorer leur croissance: entre les escargots qui s’attaquent à la vanille ou le travail d’éclaircissement nécessaire pour apporter la lumière nécessaire à la croissance des différents plants, le travail ne manque pas. Mais ces défis ne lui font pas peur!
